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No79
   20-mai-2016   

QUEL FUTUR ?

L’enterrement en grande pompe des Accords Matignon de 36.

Pour fêter les quatre-vingts ans de l’accord entre Blum et les syndicats qui ont permis la création des « conventions collectives » améliorant le droit du travail dans les branches, une loi dite « Travail » veut contre la majorité des députés et contre celle des Français inverser la règle de la « préférence » en permettant à un accord d’entreprise d’être « moins-disant » que les règles de sa branche. Pourquoi ? Ceux qui nous gouvernent veulent que les entreprises en difficulté de croissance, même passagère, puissent punir les salariés dans leur salaire et leurs conditions de travail grâce à la baguette magique d’un accord d’entreprise moins-disant.

On pourrait faire simple, créer une loi autorisant par exemple sur trois ans qu’une entreprise réellement, en risque de fermeture ou de licenciement économique, déroge aux textes existants en contrepartie d’un rattrapage pécuniaire pour les salariés après la crise. Non, on choisit d’autoriser toutes les entreprises, avec des prétextes vagues, à faire tousser tous les salariés de France et à leur faire boire le bouillon.

Pourquoi la majorité des syndicats protestent dans la rue ?

Si la nouvelle loi permet de créer un accord d’entreprise moins-disant, pourquoi les syndicats se battraient-ils pour améliorer des accords de branche qui ne s’appliqueraient plus à toutes les entreprises de la branche ? Et pourquoi les patrons signeraient-ils des accords de branche puisqu’ils peuvent faire conclure des accords d’entreprise plus intéressants pour eux ?

Si un syndicat d’entreprise signe un accord moins-disant préjudiciable pour l’avenir, son délégué syndical risque d’être démis de son mandat par son union départementale ou par sa fédération (mais l’accord restera malgré tout en vigueur). La section syndicale risque de se désintégrer.

Mais la majorité des entreprises n’ont pas de syndicats. Un simple salarié « mandaté » par un syndicat va pouvoir « négocier » un tel accord : il espère une petite promotion ensuite ou on lui aura promis un doublage de ses congés payés. L’employeur pourra même embaucher un salarié pour l’occasion, membre lointain de sa famille.

Bref, c’est la fin du syndicalisme, c’est-à-dire la possibilité pour les salariés de s’associer pour améliorer leur salaire et leurs conditions de travail, de sécurité, de santé, leurs formations et leurs congés.

Pourquoi les routiers bloquent les routes ?

Parmi les salariés qui font le plus d’heures supplémentaires (rappelons qu’une heure supplémentaire est « obligatoire » pour le salarié, ce n’est pas lui qui choisit), les chauffeurs routiers sont les plus à la peine. Ces salariés ont vite compris que si un accord d’entreprise moins-disant permet de contrevenir à la possibilité des 25% que permet le Code du travail au lieu des 10% minimum, il va falloir qu’ils fassent encore plus d’heures supplémentaires pour garder le même salaire destiné entre autres à rembourser des emprunts comme la majorité des familles. Par « chance …», l’employeur du transport routier a le même avis : avec des heures supplémentaires à 10% au lieu de 25%. En habile gestionnaire, il aura vite fait le calcul entre le coût d’une nouvelle embauche par rapport à l’utilisation accrue plus souple des heures supplémentaires minorées.

Bref, plus le paiement des heures supplémentaires sera bas, moins il y aura d’embauche, et ce n’est pas demain que les millions de personnes privés d’emploi vont avoir une lueur d’espoir pour eux et leur famille.

Pourquoi nos enfants sont aussi dans la rue ?

Nos enfants ont bien vite compris qu’ils ne vont plus avoir de futur. Surtout s’ils ont eu les conquêtes du Front populaire de 1936 au programme d’histoire... Ils ont vite compris qu’ils choisiront un emploi dans une branche en rapport avec les compétences de leur diplôme. Mais quid de leur entreprise ? Les accords d’entreprise sont trouvables gratuitement sur Internet et les brochures sont en vente libre à la Documentation française. Mais comment connaître si la future entreprise auquel le jeune diplômé prétend a un accord d’entreprise pas trop cra-cra ? Impossible. Le code du travail ne prévoit la connaissance des accords existants dans l’entreprise qu’après la signature de son contrat par le futur salarié. Et avec une loi « Travail » qui va faire fleurir cent et mille accords d’entreprise, bonjour l’engagement dans l’entreprise sans connaissance préalable. -- Mais le jeune diplômé peut demander à consulter cet accord d’entreprise avant de signer, direz-vous ! -- Mais vous croyez qu’il a une chance d’être recruté s’il s’intéresse plutôt à ce qui lui permettra de faire vivre sa famille qu’à ce qu’il pourra apporter à l’entreprise ?

Bref, c’est la fin de toute liberté de choix du salarié. Tu travailleras en aveugle, en silence et seuls tes bras seront robotisés selon les réglages du patron. François, quel avenir tu nous laisses ?


   top.gif    Dépôt CCE Grigny: 20-mai-2016   
   c.gif    Responsable de publication: Carlos DA SILVA